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29 novembre 2014 6 29 /11 /novembre /2014 21:41

Heureux qui comme Féloche…


Par Maud Sérusclat-Natale

Les Trois Coups.com


Féloche, l’oiseau siffleur de la chanson française, monte en flèche. Cet extraterrestre de la musique contemporaine est venu réveiller les Francs-Comtois dans la petite salle du foyer Georges‑Brassens de Beaucourt. Un grand plaisir pour les yeux et les oreilles, à partager en famille et entre amis sans modération.

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Féloche | © D.R.

Je l’avais découvert en voiture, un soir. Ce n’était pas une coïncidence : c’était le destin. Féloche (pour Félix), c’est un artiste voyageur qui partage ses pérégrinations joyeuses et les transforme en chansons. Révélé en 2010 lors de la sortie de son premier album la Vie cajun, il avait montré au public son talent et son originalité. Inclassable sur la scène de la variété française actuelle, dans laquelle il se reconnaît peu, Féloche, c’est un mélange des Rita Mitsouko, de Paris Combo, de Bénabar et Jacques Higelin, le tout avec des cuivres et des cordes, arrosé de mandoline et d’accordéons. En mieux. Rien que cela. Dans Silbo, son dernier album, il joue, chante, siffle, et il fait savoir qu’il a en outre des choses à dire. C’est décalé, c’est cocasse, c’est drôle, « ça gratte et ça chatouille », mais c’est aussi « politique quoi ! ». C’est surtout juste, et ça réchauffe quand novembre est tout gris et lorsque l’humeur est un peu gâtée par la morosité ambiante.

Mais d’où ce quadragénaire non moins sexy que pêchu tire-t-il autant d’énergie et de talent ? De ses voyages évidemment, mais également de ses partenaires, trois musiciens et choristes déjantés et virtuoses avec lesquels il prend visiblement beaucoup de plaisir à jouer. C’est parti pour une heure et demie de festin musical, de gourmandises pimentées et d’exploration sonore. « À quatre pattes dans les Carpates », le timide public beaucourtois se laisse emporter l’air de rien en Ukraine, donc, mais encore en Espagne, aux îles Canaries sur les traces des Guanches et à New York. Revitalisés et presque ensorcelés, nos yeux et nos oreilles ne nous appartiennent plus. À tel point qu’on a du mal à quitter la salle. Alors, Féloche nous raccompagne en musique à nos voitures.

Cerise sur le gâteau, le spectacle est fignolé au millimètre. Ce sont des bêtes de scène. Mais attention, point de hurlements déchaînés ou d’arrangements agressifs, par d’effets spéciaux enfumés ou de superflu qui casse les oreilles. Rien de cela. Avec ses instruments rares et doux, avec des choristes exceptionnels, notamment la chanteuse luronne Caroline Daparo autant incroyable que désopilante, Féloche nous vend du rêve assaisonné d’humour, mais pas seulement. Il nous remue. On peut chatouiller le cœur avec des chansons cocasses : il le fait très bien. Car Féloche n’est pas qu’un saltimbanque autodidacte et plutôt doué. C’est aussi un poète. De ceux qui sont un poil lunaires et qui ne se prennent pas au sérieux, de ceux qui nous émeuvent pour de vrai et pour de bon. Dans Tous les jours en particulier, il nous réconcilie délicatement avec notre morne réalité et nous redonne bonne mine en mettant en lumière « nos petits vides et nos grands vertiges ». Il fait voir la vie autrement, nous invite à relativiser. Un magicien-musicien loufoque et drôle à ne pas manquer ! 

Maud Sérusclat-Natale


Féloche

Chant et mandoline : Féloche

Contrebasse, trombone et chœurs : Christophe Malherbe

Violon, mélodéon, bouzouki et chœurs : David Rolland

Percussions, programmations, accordéon et chant : Caroline Daparo

Maison pour tous de Beaucourt, en partenariat avec

MA scène nationale • hôtel de Sponeck • 54, rue Clemenceau • B.P. 236 • 25204 Montbéliard cedex

Réservations : 0805 710 700

billeterie@mascenenationale.com

Le 21 novembre 2014 à 20 h 30

Durée : 1 h 30

25 € | 9 €

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24 novembre 2014 1 24 /11 /novembre /2014 13:32

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11 novembre 2014 2 11 /11 /novembre /2014 23:54

Bouleversante conversation


Par Maud Sérusclat-Natale

Les Trois Coups.com


2014 aura été l’année du centenaire de la naissance de Duras. On l’a beaucoup jouée, on a voulu réentendre sa parole, en goûter la profondeur, et se souvenir de son analyse du destin des hommes. Elle manquait. Didier Bezace s’est magistralement chargé de combler ce vide en ressuscitant une Duras grave et bouleversante.

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« le Square » | © Nathalie Hervieux

C’est l’histoire d’une rencontre. Un jour ordinaire, dans un square ordinaire, une jeune bonne à tout faire surveille un petit garçon. Elle est au service de sa famille depuis de nombreuses années. Elle attend, la tartine de confiture et le verre d’eau sont prêts d’avance dans son petit sac à main. Elle reste là, à avoir à l’œil le fils d’une autre, sans rien dire. Elle ne montre aucun sentiment, aucune émotion. Rien ne s’échappe de ce visage placide et muet. Cette jeune femme semble blasée, presque hébétée. Déjà.

Mais un homme interrompt soudain ce pesant silence et décide de lancer la conversation. Représentant de commerce, la valise à la main, il est de passage. Il porte une veste trop grande et un costume de velours bas de gamme. Il se présente timidement. Elle lui demande alors, aussi spontanée qu’abrupte : « Comment cela vous est-il arrivé ? ». Leur dialogue révèle peu à peu le vertige de leur condition, modestes témoins d’une existence sans épaisseur, abîmés sans doute, mais aux intérieurs habités, suspendus à leur imaginaire. Sous des airs de banalité, la conversation bouleverse.

Le Square, c’est d’abord l’adaptation d’un texte rare, subtil. Un des « plus beaux textes de théâtre populaire » selon Bezace. Duras avait, comme souvent, écrit une œuvre hybride, inclassable, aux allures de récit. Les critiques littéraires y ont vu du théâtre, Didier Bezace aussi. La dramaturgie est très simple : c’est la quête de ces deux personnages, quoique très différents, qui les rapproche. Comment échappe-t‑on à son sort ? Est-il possible de changer, de s’extraire des contingences dans lesquelles on est tous plongés ? Peut-on lutter contre cela ? Elle cherche inlassablement et obstinément ce changement, au bal chaque samedi soir, tandis qu’il prétend qu’il n’en a pas le temps, qu’il serait préférable que le changement aille vers lui. Ils sont seuls tous deux, confits dans cette solitude moderne et tragique. Et pourtant l’homme se croit heureux, car il est libre, sans attaches, et la jeune femme le soutient aussi, car elle se prépare. Elle attend. Elle attend de « s’appartenir », de commencer « à posséder quelque chose », de se sentir exister. Et elle ne le pourra que lorsqu’elle aura rencontré « l’autre ».

Un questionnement bien plus profond

Au-delà de ces deux personnages, Duras emporte le spectateur dans un questionnement bien plus profond. En effet, leur conversation est bien éloignée de ce qu’on aurait pu supposer. Ils ne bavardent pas, ils philosophent, et du même coup, ils nous renvoient à nos propres compromissions avec l’Absolu, à nos quotidiens tièdes, à nos rêves de grandeur étouffés au nom du raisonnable ou du correct. Ou, pire, au nom du réel.

Si ce spectacle est une telle réussite, c’est bien entendu parce que la mise en scène est extrêmement dépouillée, juste, presque pure. Se passant d’effets ou d’artifices inutiles, Didier Bezace laisse intelligemment les mots et les silences de Duras révéler toute leur ampleur. C’est également parce que les deux acteurs sont brillants. Tout repose sur leur jeu habile, fin. Clothilde Mollet et Didier Bezace sont aussi bouleversants et sensibles l’un que l’autre et savent varier les registres, comme le texte durassien l’exige, avec délicatesse et lyrisme.

Enfin, la scénographie est remarquablement conçue. Quelques vieilles chaises en métal sont empilées dans un coin du plateau. Elles sont censées suggérer le square. Quelques bruitages, des cris d’enfants qui s’amusent, aident le public à se figurer la scène. Puis c’est un train que nous entendons, c’est dans une gare que nous nous sentons, livrés à la solitude de l’attente et à la perplexité finale. Ces deux personnages se sont-ils vraiment rencontrés ? Se retrouveront-ils, comme ils se le sont presque promis, ou tout cela n’était-il qu’un songe ? Didier Bezace semble poser la question au spectateur, libre d’imaginer l’épilogue qui sera le plus doux à ses yeux. Un travail très singulier et émouvant, d’une poésie rare. 

Maud Sérusclat-Natale


Lire aussi « Que la noce commence ! », d’après « Au diable Staline, vive les mariés ! », de Horațiu Mălăele (critique), Célestins-Lyon

Lire aussi «les Fausses Confidences », de Marivaux (critique), Théâtre de la Commune à Aubervilliers

Lire aussi « Après la répétition », d’Ingmar Bergman (critique), Théâtre de l’Athénée - Louis-Jouvet à Paris

Lire aussi « Conversations avec ma mère », d’après « Conversaciones com mama » de Santiago Carlos Ovés (critique), Théâtre de la Commune-Aubervilliers

Lire aussi « la Version Browning », de Terence Rattigan (critique), La Criée à Marseille


Le Square, d’après Marguerite Duras

Mise en scène : Didier Bezace

Avec : Didier Bezace, Clothilde Mollet

Décor : Jean Haas

Lumières : Dominique Fortin

Dramaturgie : Laurent Caillon

Collaboration artistique : Dyssia Loubatière

Son : Géraldine Dudouet

Costumes : Cidalia da Costa

Maquillage : Cécile Kretschmar

Chorégraphie : Cécile Bon

MALS de Sochaux, MA scène nationale • 4, rue de l’Hôtel-de-Ville • 25600 Sochaux

Réservations : 0805 710 700

billeterie@mascenenationale.com

http://1415.mascenenationale.com/spectacle/square

Le 5 novembre 2014 à 20 heures

Durée : 1 heure

20 € | 10 €

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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 22:18

Juste « rigolo »


Par Maud Sérusclat-Natale

Les Trois Coups.com


Seul, Michel Boujenah s’est invité sur les planches de la scène nationale de Montbéliard pour nous présenter son dernier spectacle, « Ma vie ». Cette fausse autobiographie comique a manqué de surprise et de finesse, c’est dommage.

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« Ma vie » | © Jean-Marc Helies

C’était pourtant prometteur. Michel Boujenah, bien connu du grand public, est un acteur atypique et autodidacte dont le parcours est un vrai sujet. Du moins, on aurait pu le croire. Il arrive en courant sur un plateau presque nu, fougueusement, presque un peu brutal. Seuls une chaise, agrémentée d’un foulard, et un chapeau melon l’attendent. Il nous salue vivement, il semble content de nous voir. Il exulte, crie, rouspète, chahute avec l’assistance, qui ce soir-là était très chaleureuse. Au cas où nous en aurions besoin, il est sonorisé, dès lors on ne risque pas de s’endormir. Bon. Jusque-là, nous sommes totalement dans les codes du « one-man-show », rien de très original, c’est presque convenu et un peu long. Déjà. Les blagounettes fusent, pas forcément très légères. Quelques dames assises à l’orchestre sont visiblement amusées, elles se font traiter de « folles », et la salle explose de rire. Pas moi. Mais je veux bien patienter encore un peu, histoire que ça commence vraiment. Alors qu’un soupir s’échappe presque de ma bouche, notre artiste s’exclame : « J’imagine un journaliste dans la salle, c’est un peu décousu… ». En effet.

Il faudra donc accepter d’entrer dans son jeu pour se laisser porter par ce travail, sans cesse interrompu par des digressions fantasques, tantôt écrites tantôt improvisées avec plus ou moins de subtilité. Soit. En conséquence, le spectacle aura les défauts de ses qualités : beaucoup d’énergie et de rythme, mais pas toujours de profondeur ou de fond. Pourtant, même si Michel Boujenah se défend de raconter réellement sa vie dans ce seul en scène, même s’il prétend la tourner en dérision par le truchement de boutades plus ou moins heureuses qui évoquent par exemple son goût pour les femmes – si délicatement représenté par l’épisode de « l’obsession des nichons » – ou pour les saveurs de son enfance tunisienne concentrées dans les fameux « abdobeignets » au miel de sa maman, son existence est semée de périodes drôles et sensibles, qu’il prend soin, l’air de rien, de nous distiller.

En effet, il y avait bien des choses à relater sur son arrivée en France alors qu’il a à peine dix ans et qu’il a dû faire ses adieux à sa maison aux volets bleus et mettre fin à ses conversations avec le soleil tunisien. Pareillement, il se devait de nous rappeler ses débuts dans le monde de la scène et de la culture, débuts chaotiques pour cet intrus qui était extérieur au sérail, qui s’est entendu dire qu’il « puait l’huile d’olive » et qu’il devait renoncer au répertoire classique parce qu’il n’en avait pas les codes. Ce n’est pas sans ironie que le comédien raconte pourquoi il s’est cantonné au registre de l’humour un peu gras, comme l’étaient les beignets de son enfance. Bien sûr, on comprend quel message sur la société française il veut porter ce soir sous des airs de légèreté. On aurait juste aimé qu’il l’assume un peu plus.

Ces passages, précieux et souvent poétiques, font bien partie du spectacle, mais demeurent à mon sens noyés par le flot de gags que Boujenah le clown s’évertue à nous proposer, comme pour mieux faire avaler l’amère pilule. C’est dommage et presque un peu lâche, parce que ce travail aurait pu gagner en intensité, s’il avait été plus engagé. Au lieu de cela, il est resté « rigolo ». En nous invitant à ne pas perdre de vue l’enfant qui sommeille en nous, Boujenah s’est senti obligé de jouer l’amuseur au milieu d’une cour de récré conquise d’avance. Or, il me semble que ce n’était pas l’idée. Il lui aurait suffi d’assumer un peu plus d’incarner cet artiste accompli et adulte de 64 ans, qu’il est devenu, pour que le public puisse entendre vraiment ce qu’il avait à dire. C’est cet homme-là que nous étions venus rencontrer, en toute simplicité. 

Maud Sérusclat-Natale


Ma vie, de Michel Boujenah

Collaboration artistique : Corinne Atlas

Avec : Michel Boujenah

Diffusion : Judith Marouani

Théâtre de Montbéliard, MA scène nationale • rue de l’École-Française • 25200 Montbéliard

Réservations : 0805 710 700

billeterie@mascenenationale.com

Le 8 octobre à 20 heures

Durée : 1 h 30 environ

16 € | 13 € | 11,20 € | 8 € | 5 € | 4 €

Tournée :

– Toulon : le 16 octobre 2014 au Théâtre Liberté à 20 h 30

– Palaiseau : du 14 au 19 novembre 2014 à l’espace Salvador-Allende

– Annecy : le 22 novembre 2014 au Théâtre Bonlieu

– Paris : Théâtre Édouard-VII, du 18 novembre 2014 au 4 janvier 2015

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